Opérations militaires et Boxe Française

La culture et la pratique sportives comme les qualités qu’elles développent peuvent rencontrer la culture et la pratique opérationnelles militaires. Avec ce papier original, l’auteur rapproche la boxe française et les opérations militaires contemporaines, au-delà de l’intérêt que peut présenter ce sport pour améliorer la préparation physique des combattants comme leurs capacités du niveau tactique.

François Gresser

Le concept d’emploi des forces de 2020 définissait l’agilité comme un facteur de supériorité opérationnelle. De même les derniers plans stratégiques de l’armée de l’Air et de l’Espace la mettent en exergue. Mais se pose la question de comprendre sa nature et ses avantages pour les militaires.

En boxe française, un tireur, puisque c’est ainsi que l’on désigne les pratiquants de cette discipline, doit faire preuve d’agilité. Il ne s’agit pas de qualités d’équilibre, de vitesse ou encore de souplesse. Pour comprendre ce qu’elle est, il faut s’intéresser aux capacités d’anticipation, de réactivité et d’adaptation telles que mises en œuvre par un boxeur, et les transposer une à une dans le champ des opérations.

Prévoir les mouvements de l’adversaire, s’y adapter mais aussi à faire face à l’inattendu sont des axes permettant d’établir une analogie entre la pratique de la boxe française et les opérations militaires.

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Déterminer la manœuvre future de l’adversaire compte en savate comme à la guerre. Et connaitre les intentions de l’adversaire, peut-être même avant lui, c’est commencer à maîtriser l’art de la guerre.

Le terme « anticipation » laisse entrevoir le parallèle que l’on peut établir entre la savate et les opérations militaires. En effet un tireur, tout comme une force armée, doit être en mesure de prévoir les mouvements adverses. Cela suppose tout d’abord qu’il connaisse la manière dont son adversaire combat. Ainsi l’étude des combats déjà menés par un futur adversaire est une pratique courante, permettant d’aborder une rencontre avec une idée de la manière dont l’opposant compte imposer sa volonté. Ce travail préparatoire étant complété dans l’enceinte par l’observation et l’analyse de ses mouvements. Ses déplacements, attaques et défenses, permettant de confirmer ses intentions.

Fonction stratégique, l’anticipation participe de l’agilité d’une force armée. Seul le renseignement, par l’exploitation d’informations issues de sources différentes et leur synthèse cohérente, permet d’entrevoir la trame des actions ennemies futures. Anticipation du mode d’action le plus probable ou le plus dangereux, il faut pouvoir capter des informations, en amont et au cours de l’action, et être capable de les exploiter. Cela requiert des investissements considérables, matériels et humains. Par exemple les satellites et l’intelligence artificielle, mais aussi des sources humaines qu’il faut pouvoir approcher et préparer.

Dans l’Art de la Guerre, Sun Tzu préconise de combattre l’ennemi dans ses plans. En boxe française, après avoir percé la stratégie adverse, il faut s’y adapter. Ne pas comprendre se conformer aux attentes de l’adversaire, mais être capable de le perturber. Il s’agit donc pour un tireur de contrarier les intentions de l’adversaire : par exemple le désorganiser en le harcelant quand il veut construire ses attaques. Comme à la guerre, le vainqueur sera celui qui aura le mieux su s’adapter pour contrarier la volonté opposée et prendre l’avantage.

La faculté d’adaptation suppose des moyens de communication performants et résilients assurant l’efficacité des échanges entre niveaux de commandement, et le partage par tous les acteurs d’une situation commune. Sur cette base il devient possible, au niveau stratégique, de faire évoluer les plans pour les adapter aux évolutions d’une campagne militaire, et de combattre l’ennemi dans ses plans en ayant un cycle de décision plus rapide que lui. Transmettre et traiter l’information permet donc de mettre en évidence des faiblesses et de faire évoluer un plan pour y porter l’effort.

La surprise est un ressort de toute confrontation, sportive ou militaire. Il est tentant de vouloir prévoir l’inattendu en déclinant un plan original en une multitude de sous-versions, une pour chaque cas possible. Mais cela n’a guère de sens, à moins d’être en mesure de les identifier tous. C’est hors de portée d’un tireur ; celui-ci préférant se montrer réactif face à l’inattendu. Par l’analyse de la situation, il cherche à contrer une manœuvre adverse non anticipée, ou à l’inverse à exploiter une vulnérabilité rendue visible. La réactivité est donc une qualité essentielle au tireur pour prendre son adversaire à contre-pied. Une garde négligée, un décalage, peuvent ouvrir des opportunités à exploiter, quitte à dévier de l’intention initiale.

La réactivité d’une armée est analogue, car elle permet une bascule d’effort des moyens pour saisir une opportunité. Cette qualité ne vient pas d’une technologie, comme l’intelligence artificielle, mais d’une ressource essentielle : l’humain. La réactivité repose sur des personnels capables d’évaluer une situation et de la mettre en perspective avec la globalité d’une campagne. Ce sens de l’initiative, assorti du courage d’assumer ses responsabilités, forme un caractère à chercher chez les nouvelles recrues, et les phases de formation doivent fournir un cadre propice à son développement. L’objectif est de disposer de cadres autonomes, de chefs laissant l’initiative à leurs subordonnées, en veillant à ce que l’effort reste orienté vers l’effet final recherché. C’est alors une révision des structures de commandement, moins spécialisées et plus décentralisées, qui s’impose. Toutefois, ces changements pour une plus grande réactivité ne doivent pas remettre en cause la hiérarchie : des actions élémentaires comme le compte-rendu demeurant vitales, par exemple pour partager les informations et contribuer à construire une situation commune.

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L’agilité en savate est similaire à celle d’une armée, car elle repose sur les capacités d’anticipation, d’adaptation et de réactivité. Au service d’une stratégie, elles permettent d’imposer sa volonté à l’adversaire et de remporter la victoire.

Le tireur doit analyser les méthodes de son adversaire, réussir à le contraindre au maximum, et être capable de saisir l’initiative. Une force armée sera agile en disposant de renseignements fiables pour déceler les intentions adverses, des lignes de communication robustes et d’une structure de commandement et de conduite plastique, en appui d’initiatives, s’inscrivant dans la poursuite de l’effet final recherché.

L’agilité dans les opérations repose sur une combinaison de leviers technologiques et humains. Aussi, il est primordial que ces structures de commandement constituent un domaine d’innovation permanente.