Le monde va sans doute mieux que ce que l’on croit

Mis en ligne le 24 Sep 2024

Le monde va sans doute mieux que ce que l’on croit

Les tendances à long terme de notre monde permettent de brosser un tableau bien moins sombre que celui que les médias contemporains proposent à longueur de colonnes ou de journaux télévisés. C’est le constat liminaire qui anime cette analyse et cette exposition des progrès en matière de pauvreté, de santé, de développement humain, d’environnement et de violence. L’auteur de ce papier aborde ainsi tout à tour ces cinq domaines porteurs d’optimisme.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Eddy Fougier, « Le monde va sans doute mieux que ce que l’on croit», Fondation Jean-Jaurès. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site de la Fondation Jean Jaurès.

« Le monde est horrible. Le monde va bien mieux. Le monde peut aller bien mieux » est le titre d’un article[1] publié en 2018 par Max Roser, chercheur à l’université d’Oxford, sur le site Our world in data qu’il a fondé.

Oui, le monde est horrible : guerre en Ukraine et au Proche-Orient, situation infernale pour les populations de pays tels que le Yémen, le Soudan ou Haïti, multiplication des phénomènes climatiques extrêmes et vives inquiétudes relatives à l’impact futur du dérèglement climatique, montée des radicalismes, des populismes, des intégrismes religieux, du complotisme, de l’agressivité des régimes autoritaires et de la violence de la criminalité liée au trafic de drogues qui sont autant de menaces pour la démocratie, fragmentation et forte polarisation des sociétés, inégalités, discriminations, etc. C’est ce que l’on peut voir tous les jours en particulier dans les médias. Comme le dit Max Roser, « les discussions sur l’état du monde se concentrent trop souvent sur la première affirmation [Le monde est horrible]. Les news soulignent ce qui va dans le mauvais sens ».

Mais, par beaucoup d’aspects, on peut aussi affirmer que le monde va bien mieux. Cela peut sembler contradictoire au premier abord, mais ainsi que l’affirmait le médecin et conférencier Hans Rosling, « les choses peuvent à la fois aller mal, et en même temps mieux […]. C’est ainsi que nous devons considérer le monde actuel[2] ». Cela ne signifie pas bien évidemment que tout va bien dans le meilleur du monde. Malgré tout, il est aussi important de reconnaître ce qui va bien, ce qui s’améliore et ce qui peut être source d’espoir. C’est ce que nous allons modestement tenter de faire ici en nous concentrant sans aucun souci d’exhaustivité sur quarante tendances dans cinq domaines spécifiques et en nous appuyant notamment sur des rapports publiés par des institutions internationales ou des études scientifiques qui vont nous permettre de voir à quel point des progrès souvent immenses ont été accomplis dans le monde ces dernières décennies.

La richesse et la pauvreté dans le monde

Jamais les individus dans le monde n’ont été aussi riches en moyenne. Parallèlement, jamais la proportion de pauvres, au sens des personnes vivant dans la pauvreté extrême, n’a été aussi faible et jamais la part des individus appartenant aux classes moyennes et le nombre de riches n’ont été aussi élevés. On a pu observer, en effet, ces dernières décennies un enrichissement sans précédent de pays qui étaient pourtant caractérisés depuis des siècles par la pauvreté. C’est plus particulièrement le cas de la Chine et de l’Inde.

La richesse mondiale a triplé depuis le début du XXIe siècle. Ainsi, d’après des données du Fonds monétaire international (FMI)[3], le PIB mondial exprimé en milliards de dollars a été multiplié par 3,1 entre 2000 et 2023 et par 9,3 entre 1980 et 2023. Cet enrichissement a été encore plus net pour les pays en développement et les économies émergentes. Leur PIB a été multiplié par 6,1 entre 2000 et 2023 et par 15,8 entre 1980 et 2023.

Il en est de même pour l’évolution de la richesse par habitant. D’après le Global Wealth Report 2023 publié par la banque suisse UBS[4], la richesse médiane par adulte dans le monde a quasiment sextuplé entre 2000 et 2022, passant de 1 590 à 9 167 dollars. Sur cette même période, celle-ci a été multipliée par 3,6 en Inde, 6,3 en Asie-Pacifique, 7,7 en Afrique et 9,7 en Chine.

Cela s’est traduit par le développement rapide et spectaculaire de pays qui appartenaient à ce que l’on appelait le Tiers-Monde il y a encore quelques décennies. En 2000, la Banque mondiale classait ainsi 121 pays dans les catégories de pays à revenu faible ou à revenu intermédiaire-tranche inférieure[5]. Aujourd’hui, ils sont seulement quatre-vingts pays à être classés dans ces deux catégories de pays dont les revenus par habitant sont les plus faibles. La baisse du nombre de pays à revenu faible est d’ailleurs impressionnante puisque celui-ci a été divisé par 2,5 depuis le début de ce siècle, passant de 66 à 26.

L’une des principales caractéristiques de ces dernières décennies a donc été la baisse spectaculaire de la pauvreté extrême dans le monde, à savoir la population vivant avec moins de 2,15 dollars de parité de pouvoir d’achat (PPA) par jour et par personne selon l’évaluation de la Banque mondiale. D’après des données de la Banque mondiale[6], le taux de pauvreté extrême est ainsi passé de 37,9% de la population mondiale en 1990 à 8,5% en 2019. Cette baisse a été particulièrement forte en Asie de l’Est – de 65,8% en 1990, taux alors le plus élevé dans le monde, à 1,2% en 2019 – et en Asie du Sud – de 49,8% en 1990 à 8,6% en 2019. Il en est de même pour le taux de pauvreté (population vivant avec moins de 3,65 dollars par jour), qui est passé de 56,4% de la population mondiale en 1990 à 23,6 % en 2019. La tendance à la réduction de la pauvreté extrême a été interrompue par la crise liée à la pandémie de Covid-1[7]. Mais la Banque mondiale a indiqué en 2023[8] que la pauvreté extrême dans le monde est revenue aux niveaux d’avant cette crise avec un taux de 8,6%. En revanche, si l’extrême pauvreté a reculé dans les pays à revenu intermédiaire ces dernières années, ce n’est pas le cas dans les pays les plus pauvres et en situation de fragilité et de conflits.

Cette réduction de la pauvreté extrême dans le monde concerne notamment les enfants et les travailleurs. Ainsi, d’après un rapport récent de la Banque mondiale[9], malgré la pandémie de Covid-19, 49,2 millions d’enfants (de moins de 18 ans) dans le monde sont sortis de la pauvreté extrême entre 2013 et 2022. La part des enfants vivant dans l’extrême pauvreté est ainsi passée de 20,7% en 2013 à 15,9% en 2022. En outre, d’après l’Organisation internationale du travail (OIT), le nombre de travailleurs dans le monde vivant dans l’extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par jour) a énormément baissé ces trente dernières années, passant de 808 millions en 1991 à 224 millions en 20219.

Cette réduction de la pauvreté a été particulièrement visible dans certains pays depuis quelques décennies. C’est bien évidemment le cas en Chine, mais aussi en Inde. La proportion de personnes vivant dans la pauvreté extrême (en l’occurrence avec moins de 1,90 dollar de PPA) est passée de 88,1% de la population chinoise en 1981 à 0,3% en 2018[10]. Cela signifie que près de 800 millions de personnes sont sorties de la pauvreté dans ce pays durant cette période. C’est absolument considérable, à un point tel que la Chine a officiellement déclaré avoir éradiqué la pauvreté extrême rurale le 25 février 2021 et a contribué à près de 75% de la réduction du nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde depuis le début des années 1980. Cette réduction de la pauvreté a été tout aussi impressionnante en Inde. Les données officielles confirment que ce pays a quasiment éliminé la pauvreté extrême[11]. D’après une autre source[12], la part de la population de l’Inde vivant dans une situation de pauvreté multidimensionnelle est passée de 29% en 2013-14 à 11% en 2022-23, ce qui signifie que 248 millions d’Indiens sont sortis de la pauvreté durant cette période. Parallèlement, la classe moyenne a beaucoup progressé d’un point de vue numérique ces dernières décennies. Pour Homi Kharas, chercheur de la Brookings Institution (États-Unis) et auteur de The Rise of the Global Middle Class[13], le monde a atteint un point de bascule : « pour la première fois dans l’histoire, la majorité de la population mondiale appartient désormais à la classe moyenne ou est plus riche[14] ». Il estime ainsi qu’il a fallu cent cinquante ans pour obtenir un milliard de personnes appartenant aux classes moyennes, environ trente ans pour un second milliard, et un troisième et un quatrième milliard en seulement huit-neuf ans chacun, et ce, sous l’impulsion de la Chine et de l’Inde. Il évalue aujourd’hui le nombre de personnes appartenant aux classes moyennes dans le monde à plus de quatre milliards.

Branko Milanovic, le grand spécialiste des inégalités à l’origine de la célèbre « courbe de l’éléphant », considère que « les inégalités mondiales diminuent » et que nous vivons l’ère de « la grande convergence »[15] compte tenu de la spectaculaire montée en puissance de l’Asie. Une étude publiée en 2023 par le National Bureau of Economic Research (NBER)[16] montre également que non seulement la pauvreté et les inégalités mondiales ont diminué depuis les années 1990, mais aussi que les inégalités internes en moyenne se sont réduites. On observe ainsi, par exemple, une réduction des inégalités internes ces dernières années aux États-Unis, avec une réduction des inégalités salariales entre hommes et femmes, entre Afro-Américains et Blancs, entre jeunes et quarante ans et plus, et entre bas revenus et hauts revenus[17].

La santé

Jamais les individus dans le monde en moyenne n’ont été en meilleure santé. Cela se traduit en particulier par un fort accroissement de l’espérance de vie, une baisse notable de la mortalité infantile et de la mortalité maternelle, ainsi que des décès liés aux maladies transmissibles (HIV- sida, paludisme, infections respiratoires, etc.) et même par l’éradication de certaines maladies.

L’espérance de vie à la naissance, qui est l’un des meilleurs symptômes de l’amélioration de la santé des individus, a progressé de façon très significative dans le monde. Elle est ainsi passée de 32 ans en 1900 à une moyenne de 71 ans en 2021[18]. Celle-ci a continué à croître ces dernières décennies puisque l’espérance de vie mondiale a augmenté de 6,2 ans entre 1990 et 2021 d’après l’étude Global Burden of Disease[19], et de 6,6 ans entre 2000 et 2019 d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[20]. Ceci serait principalement lié à une réduction de la mortalité due à la diarrhée, aux infections des voies respiratoires inférieures, aux accidents vasculaires cérébraux et à la cardiopathie ischémique. Il est à noter que la région dans le monde qui a connu la plus forte augmentation de l’espérance de vie ces trente dernières années est l’Afrique de l’Est avec un gain de 10,7 années[21].

On observe aussi de grands progrès en matière de mortalité infantile, qui reste néanmoins un grand fléau dans le monde puisque sont constatés chaque année environ six millions de décès d’enfants de moins de quinze ans[22]. N’oublions pas que, tout au long de l’histoire, et ce, jusqu’au XVIIIe siècle, la moitié des enfants mourrait avant d’atteindre l’âge de la puberté. En 2020, à l’échelle mondiale, le taux de mortalité infantile était de 4,3%[23]. Il était même inférieur à 1% dans les pays les plus développés. La mortalité infantile a baissé de façon spectaculaire, y compris en Afrique, depuis les années 1950. Cette baisse s’est poursuivie ces dernières décennies. D’après différentes agences onusiennes[24], le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans est ainsi passé de 93,0 pour 1000 naissances vivantes en 1990 à 37,1 en 2022 (soit une baisse de 60%), et le nombre de décès d’enfants de moins de cinq ans de 12,8 millions en 1990 à 4,9 millions en 2022 (soit une baisse de 62%). Ces agences estiment ainsi que le nombre de décès d’enfants de moins de cinq ans dans le monde a atteint un niveau historiquement bas en 2022 avec un chiffre qui s’élève tout de même à 4,9 millions.

Contrairement à nombre d’idées reçues, ces dernières décennies, beaucoup de progrès sanitaires ont été observés en Afrique. Ainsi, d’après Matshidiso Moeti[25], directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, l’espérance de vie des femmes y a progressé de treize ans entre 2000 et 2020, la mortalité maternelle a baissé de 33% entre 2000 et 2020, la mortalité infantile de 50% entre 2000 et 2017 et les décès liés au VIH-sida de 55% entre 2011 et 2021.

Ces progrès ne concernent pas seulement les pays en développement. On peut aussi les observer dans les pays développés, y compris à propos de maladies telles que le cancer. Une étude publiée en 2024 dans la revue Annals of Oncology[26] indique qu’en Europe, le taux de mortalité par cancer a baissé de 6,5% chez les hommes et de 4,3% chez les femmes entre 2018 et 2024. Ses auteurs estiment que 6,2 millions de décès par cancer auraient été ainsi évités au sein des États de l’Union européenne depuis 1988. C’est également le cas aux États-Unis. D’après un rapport de l’American Cancer Society[27], on observe une même tendance à la baisse du nombre d’Américains qui meurent d’un cancer depuis les années 1990. La mortalité par cancer a été réduite de 33% entre 1991 et 2021 en raison de la réduction du tabagisme et des progrès réalisés dans les traitements, sauvant environ 4,1 millions de vies. En outre, jusqu’à deux tiers de tous les cancers peuvent désormais être traités comme une maladie chronique ou comme une maladie qui se guérit.

Si le nombre de décès dans le monde dus aux maladies cardiovasculaires est en augmentation et constitue même la principale cause de décès, on peut constater en revanche que le taux de mortalité lié à ces maladies diminue dans de nombreux pays ces dernières décennies. Il a baissé de 75% aux États-Unis entre 1950 et 2020, passant de 532 pour 100 000 personnes en 1950 à 133 en 2020, et de 79% en France entre 1950 et 2017, passant de 320 à 68[28]. Un rapport de l’American Heart Association (AHA)[29] montre ainsi que le taux de mortalité par maladie cardiaque aux États-Unis a été réduit de 60% depuis 1950 – une personne sur deux victimes d’une crise cardiaque mourrait alors, contre un sur huit aujourd’hui – et que le taux de mortalité par accident vasculaire cérébral a été réduit de près d’un tiers depuis 1998. Cette baisse de la mortalité est notamment liée à la réduction du tabagisme, à l’amélioration du dépistage, du diagnostic, de la surveillance, des traitements médicaux et des interventions chirurgicales.

Le rapport mondial 2023 sur le sida publié par Onusida[30] indique qu’il existe clairement une voie pour mettre fin à ce fléau. Il rappelle qu’« il y a vingt ans, la pandémie mondiale de sida semblait inarrêtable. Plus de 2,5 millions de personnes contractaient le VIH chaque année et le sida faisait deux millions de victimes par an. Dans certaines régions d’Afrique australe, le sida réduisait à néant des décennies d’augmentation de l’espérance de vie ». Or, aujourd’hui, trois quarts des personnes vivant avec le VIH dans le monde reçoivent un traitement viral (thérapie antirétrovirale) avec un accès à ce traitement qui s’est énormément développé en Afrique subsaharienne et en Asie, là où se trouvent le plus grand nombre de personnes infectées. Cette amélioration de l’accès au traitement du VIH a permis d’éviter près de 21 millions de décès dus au sida au cours des trente dernières années. Le nombre de décès a été réduit de 69% depuis 2004, année où celui-ci a été le plus élevé. Enfin, en 2022, les nouvelles infections ont été les plus faibles à avoir été constatées depuis le début des années 1990. Au final, le rapport indique que « les progrès réalisés dans la lutte contre le sida constituent une avancée majeure en matière de santé publique ».

Le paludisme est une autre maladie transmissible qui concerne d’abord les pays pauvres, et plus précisément l’Afrique subsaharienne, et qui a enregistré de grands progrès ces dernières années. Ainsi, d’après l’OMS[31], 2,1 milliards de cas de paludisme et 11,7 millions de décès ont été évités dans le monde entre 2000 et 2022 grâce à l’intensification de la lutte contre cette maladie avec le déploiement de moustiquaires imprégnées d’insecticide, la pulvérisation d’insecticide, la chimioprévention ou le vaccin antipaludique.

Ebola (ou la maladie à virus Ebola-MVE) est une maladie assez effrayante avec un taux de létalité moyen d’environ 50 %. Or, d’après l’OMS[32], depuis 2021, les flambées épidémiques ont été limitées et rapidement jugulées. Cela s’explique notamment par l’existence désormais de vaccins qui « ont permis de réduire la morbidité et la mortalité pendant les flambées épidémiques » de MVE.

Enfin, des maladies, qui ont représenté de grands fléaux sanitaires à un moment donné, ont tout simplement été éradiquées ou sont sur le point de l’être à l’échelle de pays ou même du monde. C’est notamment le cas de la poliomyélite. Au début des années 1980, on comptait ainsi chaque année environ 400 000 cas dans le monde[33]. Ces dernières années, il y en a eu seulement environ 4000. Cette baisse est principalement due aux vaccins. De même, d’après le Carter Center[34], la dracunculose, une maladie parasitaire causée par un ver parasite, est « en passe de devenir la deuxième maladie humaine de l’histoire à être éradiquée, après la variole, et la première sans médicament ni vaccin ». Il y a eu seulement treize cas dans le monde en 2022. En 2023, un nombre record de pays a éradiqué différentes maladies. L’Égypte est ainsi le premier pays à éliminer l’hépatite C, alors même qu’elle a été le pays au monde le plus touché à un moment donné. Les Maldives ont été le premier État à éradiquer la lèpre, et le Bangladesh, la fièvre noire. Le Niger a été le premier pays africain à éliminer la cécité des rivières. Enfin, le Bénin, le Mali et l’Irak ont éradiqué le trachome, le Timor-Leste, le Bhoutan et la Corée du Nord, la rubéole, le Ghana, la maladie du sommeil, et l’Azerbaïdjan, le Tadjikistan et le Belize, le paludisme.

D’après un rapport de l’OMS[35], la consommation mondiale de tabac a diminué ces dernières décennies. Celle-ci est ainsi passée d’un adulte sur trois en 2000 à un adulte sur cinq aujourd’hui. Parallèlement, 150 pays ont réussi à réduire leur consommation de tabac. Les décès liés au tabac ont donc également beaucoup décliné.

Le développement humain dans le monde

Tout ce qui a trait au développement humain a beaucoup progressé dans le monde ces dernières décennies. Cela concerne notamment l’éducation, le progrès social, l’accès à l’information et à la communication, l’accès à l’eau et à une hygiène de base, la situation des femmes et des enfants, etc.

L’alphabétisation a été l’un des grands progrès qui a pu être observé ces dernières décennies dans le monde. L’Unesco définit l’« alphabétisation fonctionnelle » comme « la capacité d’identifier, de comprendre, d’interpréter, de créer, de communiquer et de calculer, à l’aide de documents imprimés et d’écrits associés à des contextes variés[36] ». En 1820, près de 90% de la population mondiale était ainsi illettrée. En 1980, 68% de cette population (âgée de 15 ans et plus) était alphabétisée. Ce chiffre s’élevait à 87% en 2022[37]. C’est encore plus perceptible si l’on ne prend en compte que la population jeune âgée de 15 à 24 ans où le taux d’alphabétisation s’élevait à 93% en 2022[38]. On peut aussi remarquer que les différences qui peuvent exister entre hommes et femmes en la matière tendent à s’améliorer : six points de pourcentage entre les hommes (90%) et les femmes (84%) âgés de 15 ans et plus en 2022, contre seulement deux points de pourcentage entre les jeunes garçons (94%) et les jeunes filles (92%) de 15 à 24 ans.

Jamais les individus dans le monde n’ont été aussi bien éduqués et formés. Le monde a réalisé, en effet, des progrès substantiels dans l’amélioration de l’accès à l’éducation primaire. Ainsi, en 1820, seuls 17,2% de la population mondiale avaient une éducation de base. Deux siècles plus tard, en 2020, cette proportion atteignait 86,3%[39] en progressant de 15,2 points depuis 1990 et de 25,4 points depuis 1970. En outre, le nombre d’enfants non scolarisés dans le primaire dans le monde a beaucoup baissé ces dernières décennies. Celui-ci est passé de 104,8 millions en 1999 à 58,4 millions en 2019[40], soit une baisse de 44%. Cette baisse a été encore plus nette pour les jeunes filles : -48%. D’après l’Unesco[41], 50 millions de filles supplémentaires ont d’ailleurs été scolarisées dans le monde depuis 2015 : 22,5 millions dans le primaire, 27,6 millions dans le secondaire.

Néanmoins, 122 millions de jeunes filles ne sont toujours pas scolarisées, soit dans le primaire, soit dans le secondaire, principalement en Afrique subsaharienne.

Un rapport de l’Unicef et de l’Union africaine[42] publié en 2021 indique cependant que « l’Afrique a réalisé des progrès importants en matière de scolarisation des enfants » ces vingt dernières années. La proportion des enfants non scolarisés en âge de fréquenter le primaire est ainsi passée de 35% en 2000 à 17% en 2019 et celle des enfants non scolarisés en âge de fréquenter le premier cycle du secondaire de 43% à 33%.

Jamais la population n’a eu aussi facilement accès à l’information et à différents outils de communication. En 2000, 12% de la population mondiale avait un abonnement de téléphonie mobile[43]. Ce chiffre s’élevait à 108% en 2022 (les individus peuvent avoir plusieurs abonnements, d’où un chiffre supérieur à 100%). Il en est de même pour les utilisateurs d’internet : 6,7% de la population mondiale en 2000, 63,1% en 2021. Cela a été particulièrement impressionnant pour la population d’un pays comme la Chine : de 6,7% en 2000 à 124,9% en 2022 pour les abonnements de téléphonie mobile ; de 1,8% en 2000 à 75,6% en 2022 pour les utilisateurs d’internet. Mais c’est aussi le cas, dans une moindre mesure, pour l’Afrique subsaharienne : de 1,7% en 2000 à 88,6% en 2022 pour les abonnements de téléphonie mobile ; de 0,5% en 2000 à 35,9% en 2021 pour les utilisateurs d’internet.

La série chronologique de l’Indice du progrès social[44] mesure les résultats de 170 pays de 1990 à 2020 à l’aide de 52 indicateurs dans douze domaines : nutrition et soins médicaux, eau et assainissement, logement, sécurité, éducation de base, information et communications, santé, qualité de l’environnement, droits, libertés, société inclusive, éducation supérieure. Or, celle-ci montre que le progrès social s’est répandu dans le monde entier durant cette période.

D’après l’OMS et l’Unicef[45], de gros progrès ont été réalisés dans le monde entre 2000 et 2022 en matière d’accès à l’eau, aux sanitaires et à l’hygiène de base. Entre 2000 et 2022, 2,1 milliards de personnes supplémentaires ont eu ainsi accès à l’eau potable et 2,5 milliards à des installations sanitaires sécurisées. En outre, plus d’un milliard de personnes supplémentaires ont eu accès à des services d’hygiène de base entre 2015 et 2022. Néanmoins, en 2022, 2,2 milliards de personnes n’avaient toujours pas accès à l’eau potable, 3,4 milliards à des installations sanitaires sécurisées et 2 milliards à des services d’hygiène de base.

D’après le Rapport sur les objectifs de développement durable de l’ONU, la proportion de personnes vivant dans les bidonvilles en Afrique a diminué ces dernières années[46]. C’est notamment le cas en Afrique du Nord.

Le nombre et la proportion d’enfants âgés de 5 à 17 ans qui travaillent ont baissé ces dernières décennies d’après des données de l’Organisation internationale du travail (OIT)[47]. Leur nombre est passé de 246 millions en 2000 à 160 millions en 2020 et leur proportion dans la population de 16,0% à 9,6%. Cette baisse a été particulièrement spectaculaire dans la région Asie-Pacifique : de 13,3% en 2008 à 5,6% en 2020.

Les mutilations génitales féminines sont un véritable fléau en Afrique, mais le risque d’y être exposée a été divisé par trois en vingt ans et, désormais, la majorité des hommes se déclare opposés à ces pratiques[48].

D’après l’Unicef[49], le mariage des enfants décline dans le monde. En 2022, 19% des jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans étaient mariées avant l’âge de 18 ans, contre 25% il y a vingt ans. C’est notamment le cas en Inde, où se trouvent le plus grand nombre d’adolescentes mariées dans le monde. Dans ce dernier pays, la proportion de filles mariées avant l’âge de 18 ans a baissé de 46% à 23% ces quinze dernières années, notamment suite à l’interdiction historique du mariage des enfants adoptée en Inde en 2023[50].

Le rapport Gender Equality Index 2023 publié par l’European Institute for Gender Equality montre que, globalement, des progrès ont été enregistrés au sein de l’Union européenne depuis 2010 en matière d’égalité des sexes[51].

La tolérance dans le monde envers les homosexuels a nettement progressé ces dernières décennies. En 2019, 122 États avaient ainsi légalisé les rapports sexuels entre personnes du même sexe, contre 78 en 1991, soit une progression de 56 %[52].

L’environnement et le climat

La protection de l’environnement, la lutte contre le dérèglement climatique ou la perte de la biodiversité sont à coup sûr des enjeux et des défis majeurs. Mais, là aussi, contrairement à ce que l’on pourrait croire, des évolutions positives peuvent être observées.

D’après le Center for Research on Energy and Clean Air[53], les émissions de CO2 de l’Union européenne provenant des combustibles fossiles ont baissé de 8 % en 2023 pour atteindre leurs niveaux les plus bas depuis soixante ans.

D’après CarbonBrief[54], les émissions de CO de la Chine, le plus gros émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, ont sans doute culminé historiquement en 2023 (« pic de carbone »), d’autant que les énergies renouvelables répondent à presque tous ses besoins énergétiques supplémentaires. Cela s’explique par les efforts considérables réalisés par ce pays ces dernières années en matière d’énergie solaire et éolienne.

D’après un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)[55], la capacité énergétique renouvelable mondiale a augmenté à un rythme record en 2023 avec une croissance de 50 % par rapport à l’année précédente. L’AIE estime qu’il y a « une réelle chance d’atteindre l’objectif de tripler la capacité mondiale d’ici 2030 que les gouvernements ont fixé lors de la conférence sur le changement climatique COP28 » en décembre 2023. Par ailleurs, des données du think tank Ember[56] indiquent que l’essor de l’énergie éolienne et solaire a permis de produire 30% de l’électricité mondiale en 2023 à partir d’énergies renouvelables, ce qui est un niveau record. C’est en particulier le cas aux États-Unis, autre gros émetteur de gaz à effet de serre. Les énergies renouvelables sont désormais la seconde source de production d’électricité dans ce pays, derrière le gaz naturel. Elles ont représenté en moyenne 40,5% de cette production au premier trimestre 2024[57].

D’après Hannah Ritchie[58], autrice de Not the End of the World. How We Can Be the First Generation to Build a Sustainable Planet (Chatto & Windus, 2024), le monde a probablement dépassé le « pic de pollution » pour différentes sources de pollution de l’air : oxydes d’azote, dioxyde de soufre, monoxyde de carbone… Les émissions de substances qui détruisent la couche d’ozone ont été réduites de plus de 99% depuis 1989[59]. C’est notamment le cas des chlorofluorocarbures (CFC).

Les conflits, la violence et les accidents

Malgré différentes sources possibles de mort violente – des attentats terroristes aux accidents de la route, en passant par les homicides, les suicides ou les conflits –, jamais les humains en moyenne n’ont été autant en sécurité.

D’après les données de l’Uppsala Conflict Data Program (UCDP), malgré les conflits en Ukraine et au Proche-Orient, le nombre de morts dans les conflits armés en 2023 a été deux fois moins élevé que l’année précédente : 154 506 en 2023, contre 311 302 en 2022.

À l’échelle mondiale, au cours des deux dernières décennies, le nombre d’homicides pour 100 000 habitants a diminué de 17%, passant de 6,99 en 2001 à 5,79 en 2021[60]. Cette baisse a été constatée en Asie, en Afrique et en Amérique. C’est également le cas aux États-Unis dans la période récente puisque, selon les données du FBI[61], le nombre de meurtres a diminué en 2023. Il s’agit même de la plus forte baisse sur une année enregistrée dans le pays.

Le taux de suicide dans le monde, qui est l’une des principales causes de décès prématurés par mort violente dans le monde avec les accidents de la route, a baissé de 33% entre 1990 et 2016 d’après une étude parue en 2019 dans The British Medical Journal[62], même si le nombre de suicides, lui, a augmenté de 6,7% sur cette même période. C’est notamment le cas en Chine et, dans une moindre mesure, en Inde où les taux de suicide ont respectivement baissé de 64% et de 15% grâce à l’amélioration du niveau de vie dans ces deux pays. Ils représentaient à eux deux 44% des suicides dans le monde en 2016.

En 2023, 112 pays avaient officiellement aboli la peine de mort pour tous les crimes (on peut y rajouter aussi les pays qui l’ont abolie pour les crimes ordinaires ou ceux qui n’ont pas prononcé de peine capitale depuis au moins dix ans). Ils étaient seulement quatorze en 1972 et 66 en 1997[63]).

Selon l’OMS[64], le nombre de décès sur la route, qui est la première cause de décès dans le monde chez les jeunes âgés de 5 à 29 ans, a baissé de 5% entre 2010 et 2021, alors même que le parc automobile mondial a plus que doublé sur la même période.

Bien évidemment, personne ne peut nier l’ampleur des difficultés et des défis tant à l’échelle planétaire que nationale. L’objectif de cette note est néanmoins d’inciter aussi à porter son regard sur ce qui va mieux sans pour autant tomber dans une posture rassuriste, qui peut conduire au bout du compte à justifier l’état du monde tel qu’il est et à favoriser une forme de statu quo. En définitive, il ne faut ni minimiser, ni sous-estimer les progrès ou les problèmes. Il convient également de savoir articuler de façon subtile optimisme et pessimisme d’un côté et peur et espoir de l’autre. Une vision trop positive et optimiste risque, en effet, de réduire la perception des risques et les incitations au passage à l’action. En revanche, une vision trop négative et alarmiste ne peut que conduire à l’immobilisme et à l’impuissance.

Enfin, reconnaissons tout de même à l’instar de l’ancien président Barack Obama qui s’exprimait devant des jeunes dans une conférence en 2017 que « Si vous deviez choisir de naître à un moment dans l’histoire, et que vous ne saviez pas à l’avance qui vous alliez être – que vous ne saviez pas si vous alliez naître dans une famille riche ou pauvre, dans quel pays vous alliez naître, et si vous alliez être un homme ou une femme –, si vous deviez choisir à l’aveugle à quel moment vous voudriez vivre, vous choisiriez aujourd’hui. Car le monde n’a jamais été plus riche, mieux instruit, en meilleure santé, moins violent qu’aujourd’hui[65] ».

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