Quel rapport les jeunes entretiennent-ils avec la guerre, et quelles dispositions à s’engager manifestent-ils, en cas de conflit majeur affectant la France, y compris sur le sol national ? Ces questions font l’objet de la présente étude, menée à partir d’un échantillon représentatif de la jeunesse française. Une étude qui aborde les représentations et connaissances de la guerre de cette jeunesse, la place que les conflits armés occupent dans leurs préoccupations et dans la façon dont ils envisagent l’avenir de nos sociétés. Une étude qui interroge ensuite la perception des jeunes français vis-à-vis des risques individuels et collectifs, et qui analyse la nature et limites d’un engagement qui y ferait face. Une étude qui offre enfin des enseignements inédits sur l’état d’esprit des nouvelles générations face à la montée des périls armés.
Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.
Les références originales de cet article sont : Anne Muxel, « Les jeunes et la guerre : représentations et dispositions à l’engagement », IRSEM. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site de l’IRSEM.
Résumé
Cette étude vise à cerner le rapport que les jeunes entretiennent avec la réalité de la guerre et évalue, sous l’angle du lien armée-nation, leurs dispositions à l’engagement en cas de conflit majeur impliquant la France, y compris sur son territoire.
Elle rend compte de la vision que les jeunes ont des armées françaises, engagées dans les guerres passées, présentes mais aussi futures. Leurs positionnements quant à la dissuasion nucléaire, l’appartenance à l’OTAN ou encore la création d’une Europe de la défense sont aussi explorés. Enfin, elle éclaire leurs capacités d’anticipation des menaces qui se profilent dans le monde de demain. Elle s’appuie sur une enquête quantitative inédite menée en ligne auprès d’un large échantillon représentatif de la jeunesse française âgée de 18 à 25 ans et établit un ensemble de résultats permettant de répondre à ces interrogations. Elle fournit aux armées un cadre d’interprétation des attitudes et des opinions les plus significatives dans les jeunes générations au sujet de la guerre. Dans le champ de la sociologie militaire comme dans le champ des études sur la jeunesse, c’est un sujet qui a été peu exploré et qui pourtant, en raison des reconfigurations internationales des conflits et de la diffusion des menaces hybrides auxquelles les armées comme les populations sont confrontées, est plus que jamais d’actualité.
Il en ressort un ensemble de résultats qui fournit des indications inédites sur l’état d’esprit des nouvelles générations face à la montée des périls guerriers pouvant concerner la France et sur leurs dispositions d’engagement. L’un des enseignements les plus marquants de cette étude est le constat de la vitalité des dispositions de la jeunesse française envers l’engagement, y compris l’engagement militaire et l’éventualité d’une mobilisation dans des conflits armés de haute intensité. La réalité d’un regain de patriotisme connaît plus ou moins d’intensité selon les segments de la jeunesse, mais elle laisse présager un solide potentiel de résilience et de soutien de la part des jeunes générations en cas de guerre ou de conflit majeur.
Introduction
La France n’a cessé d’engager ses soldats dans de nombreuses opérations tout au long de ces dernières décennies. Dans ce contexte d’engagement permanent des forces armées françaises et à l’heure où se déroule depuis bientôt deux ans une guerre entre la Russie et l’Ukraine, un pays géographiquement proche, et où reprend avec intensité la guerre au Proche-Orient, entre Israël et le Hamas palestinien, il est important de s’interroger sur la façon dont la nouvelle génération de citoyens français perçoit et se représente les conflits armés dans le monde et plus largement le fait guerrier.
Dans un entretien récent donné au journal Le Monde, le général François Lecointre indiquait que nos sociétés européennes, non sans une certaine « naïveté », avaient pensé les guerres révolues[1]. Il en appelle à la nécessité « d’un exercice de lucidité », car il est selon lui « souhaitable et même indispensable de regarder les choses qui sont désagréables et qui nous tirent de notre zone de confort ». Il rappelle que depuis la fin de la guerre froide, « nos armées ont été engagées à répétition dans des conflits, des guerres civiles, des opérations de maintien ou de restauration de la paix ». Il poursuit : « J’ai toujours eu beaucoup de mal, en tant que jeune officier, et même plus tard, à faire entendre cette réalité aux civils que je côtoyais. » Il évoque la question d’une « montée en puissance » de ces conflits qui nécessite de renforcer les moyens de l’appareil militaire « susceptible d’engager un conflit massif » mais aussi le lien armée-nation assurant les conditions de soutien et de résilience des populations, notamment des jeunes générations confrontées à des situations et à des engagements auxquels elles ne sont pas préparées.
La présente étude vise à cerner le rapport que les jeunes entretiennent avec la réalité de la guerre et évalue, sous l’angle du lien armées-nation, leurs dispositions à l’engagement en cas de conflit majeur impliquant la France, y compris sur son territoire[2]. Quelles représentations et connaissances ont-ils de la guerre ? Quelle est la place de celle-ci dans leurs préoccupations et dans la façon dont ils envisagent le futur de nos sociétés ? Comment en perçoivent-ils les risques individuels et collectifs ? Seraient-ils prêts à s’engager ? Comment et dans quelles limites ?
Cette étude rend compte également de la vision que les jeunes ont des armées françaises, engagées dans les guerres passées, présentes et futures. Leurs positionnements quant à la dissuasion nucléaire, l’appartenance à l’OTAN ou encore la création d’une Europe de la défense, sont aussi explorés. Enfin, elle éclaire leurs capacités d’anticipation des menaces qui se profilent dans le monde de demain.
Elle s’appuie sur une enquête quantitative inédite menée en ligne auprès d’un large échantillon représentatif de la jeunesse française âgée de 18 à 25 ans (n=2301) et établit un ensemble de résultats permettant de répondre à ces interrogations. Elle fournit aux armées un cadre d’interprétation des attitudes et des opinions les plus significatives dans les jeunes générations au sujet de la guerre[3]. Dans le champ de la sociologie militaire comme dans le champ des études sur la jeunesse, c’est un sujet qui a été peu exploré et qui pourtant, en raison des reconfigurations internationales des conflits et de la diffusion des menaces hybrides auxquelles les armées comme les populations sont confrontées, est plus que jamais d’actualité.
References
Par : Anne MUXEL
Source : IRSEM