ENERGEO 2e Volet : Le gaz dans la transition énergétique européenne : enjeux et opportunités / Sylvie Cornot-Gandolphe
Publié le 23-01-2018
Après des années difficiles pour l’industrie gazière européenne, le gaz revient sur le devant de la scène. Grâce à ses atouts environnementaux, sa flexibilité, sa performance et la diversité de ses usages, le gaz a en effet un rôle majeur à jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’amélioration de la qualité de l’air, l’intégration des énergies renouvelables (ENR) dans le mix électrique et l’efficacité énergétique. Ce rôle évoluera dans le temps et il convient de distinguer la période 2015-2030 et la période 2030-2050.
Ses performances environnementales lui permettent de réduire rapidement, et dès maintenant, les émissions de CO2 du secteur électrique quand il remplace le charbon, deux fois plus émetteur. Étant donné les prix actuels et projetés du charbon et du gaz, cette substitution requiert un signal prix du carbone, qui, en dehors du Royaume-Uni, fait toujours défaut aux autres États de l’Union européenne (UE), montrant l’urgence de la mise en œuvre de la réforme du système européen d’échange de quotas d’émission (EU ETS). La flexibilité du gaz permet de pallier l’intermittence du solaire et de l’éolien et facilite le développement des ENR. Le gaz contribue ainsi à un approvisionnement électrique fiable et réduit les coûts d’équilibrage du système électrique grâce à un réseau gazier et des capacités de stockage déjà bien développés. À l’avenir, dans le secteur des transports, le gaz, en remplacement des produits pétroliers, peut contribuer à la mobilité plus propre en réduisant la pollution de l’air et les émissions de CO2 des transports terrestres et maritimes. Dans le secteur du chauffage, si le gaz naturel ne peut décarboner le secteur, la performance des équipements modernes au gaz contribue à une réduction significative des émissions.
À plus long terme, il faudra néanmoins décarboner l’usage du gaz naturel si l’UE veut réaliser son objectif de disposer d’un bouquet électrique décarboné à l’horizon 2050. Le gaz permettra d’optimiser la production d’ENR, grâce à des concepts innovants, tels que le Power-to-gas, dont les projets pilote se multiplient en Europe afin de développer un business plan pertinent. Par ailleurs, le gaz deviendra plus vert grâce au développement du gaz renouvelable, biogaz et biométhane, mais aussi, à l’avenir, hydrogène et gaz de synthèse. Le captage et stockage du CO2 (CCS) seront indispensables pour compléter la décarbonisation du gaz naturel. L’UE a peu avancé sur ce sujet, mais des efforts sont entrepris en Norvège par de grands producteurs de gaz. Enfin, la réduction des émissions de méthane liées à la chaîne gazière est indispensable pour que le gaz naturel puisse jouer un rôle crédible dans la transition énergétique.
La plupart des scénarios projettent ainsi une demande européenne de gaz naturel quasiment stable jusqu’en 2025-30, mais des importations en hausse, du moins jusqu’en 2025, du fait de la baisse de la production intérieure. Le gaz devrait jouer un rôle plus prépondérant dans les secteurs de la production d’électricité et de la mobilité permettant à l’UE d’atteindre efficacement ses objectifs climatiques et énergétiques de 2020 et 2030. À plus long terme, la décarbonisation et l’efficacité énergétique entraînent une baisse de la demande de gaz naturel tout en offrant des opportunités pour le gaz renouvelable et les réseaux gaziers.
À mesure que les flux de gaz deviennent plus variables et que la demande change, les opérateurs des infrastructures gazières devront faire face à une utilisation plus intermittente de certains actifs, indispensables à la sécurité de l’approvisionnement gazier, et de plus en plus, à celle de l’approvisionnement électrique. Par conséquent, la valeur globale d’une fourniture sécurisée de gaz, y compris sa valeur flexibilité, devrait être incluse de manière plus cohérente dans les modèles économiques des actifs gaziers. Par ailleurs, une vision holistique du système énergétique, intégrant un mix énergétique équilibré, permettrait d’exploiter les atouts des différentes sources d’énergie et de favoriser l’innovation, au service d’une transition énergétique assurant la compétitivité de l’offre.
Auteur(s) : Sylvie Cornot-Gandolphe
Source(s) : IFRI