Le retour de la guerre de haute et de longue intensité aux portes de l’Europe souligne les carences capacitaires et industrielles de l’UE, en termes de sécurité. La période de quasi-addiction à la protection américaine pourrait bien s’achever encore plus vite, avec non seulement la bascule amplifiée vers le Pacifique, mais également avec l’avènement envisageable d’une nouvelle présidence Trump. Le constat et les développements de ce papier sonnent comme des enjeux et défis clefs, désormais incontournables.
Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.
Les références originales de cet article sont : Camille Grand, « Défendre l’Europe avec moins d’Amérique », ECFR. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site de l’ECFR.
Les politiques européennes de défense sont confrontées à leur plus important test de résistance depuis les premiers jours de la guerre froide. L’invasion massive de l’Ukraine par la Russie a ramené la guerre au cœur de l’Europe et a révélé à quel point les Européens étaient dépendants des États-Unis pour leur défense. Cela a obligé les Européens à revoir leurs besoins en matière de défense, y compris la défense collective du continent, et à se pencher sur l’état lamentable de leurs plans actuels. S’il est réélu à la présidence des États-Unis cet automne, Donald Trump a laissé entendre qu’il réduirait considérablement ou supprimerait le soutien militaire américain à l’Europe. Mais même en mettant de côté l’objectif de « Trump-proof » l’Europe, les priorités concurrentes des États-Unis et les débats nationaux polarisés, ainsi que la détérioration de l’environnement de sécurité de l’Europe, signifient que les Européens doivent d’urgence renforcer leur capacité à défendre le continent avec moins de contribution de la part des États-Unis.
À première vue, l’Europe a les moyens de se défendre. Les alliés européens de l’OTAN et les États membres de l’UE dépenseront ensemble quatre fois plus que la Russie en matière de défense en 2023 ; leurs forces militaires combinées sont plus importantes que celles de la Russie ou des États-Unis ; et les industries de défense européennes produisent certains des systèmes d’armement les plus avancés, six pays européens figurant parmi les dix premiers exportateurs d’armes au monde. Enfin, le PIB de l’Europe est dix fois supérieur à celui de la Russie, juste derrière celui des États-Unis.
Pourtant, après des décennies de « dividendes de la paix » et de resquillage, l’armée américaine menant les scénarios les plus exigeants en Europe et fournissant les capacités clés, l’atrophie des forces militaires et des industries de défense européennes au fil des décennies a rendu leur assistance à l’Ukraine compliquée et lente. La reconstruction des armées européennes s’annonce aujourd’hui comme un véritable défi.
Le processus de planification de la défense de l’OTAN et les processus parallèles de l’UE ont permis d’identifier les lacunes de la défense européenne, mais l’Europe doit relever plusieurs défis pour y remédier. Les pays européens ont besoin d’un plan solide, soutenu sur une décennie, pour renforcer leur capacité à défendre l’Europe avec moins d’Amérique.
Par : Camille GRAND
Source : European Council on Foreign Relations