Comprendre les racines de la guerre : entre passions et raison d’état

Mis en ligne le 26 Juin 2024

Comprendre les racines de la guerre : entre passions et raison d’état

Alors que la guerre de haute et de longue intensité sévit en Europe depuis plus de deux années, sur fond de tensions géopolitiques croissantes, le papier propose d’aborder avec recul et réflexion ce sujet de la guerre, de ses racines, de sa permanence. Une mise en exergue de la complexité des passions humaines et des raisons d’état, au travers d’une approche mêlant histoire et philosophie, pour éclairer cette question lancinante posée à l’humanité.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent pas le CNAM.

Les références originales de cet article sont : Damien Verrelli, « Comprendre les racines de la guerre : entre passions et raison d’état », Les Jeunes IHEDN. Ce texte, ainsi que d’autres publications, peuvent être consultés sur le site des Jeunes IHEDN.  

Pourquoi la guerre ? Question naïve, enfantine, pourtant insoluble. Il est de ces questionnements, de ces erreurs tragiques, que l’espèce humaine répète sans cesse. À l’aune des événements géopolitiques qui secouent le monde depuis 2 ans, la réponse à cette question permettrait de contrer ces vents contraires que sont la peur et la haine de l’autre. Après tout, quel sens cela aurait d’exterminer d’autres pauvres âmes, des inconnus, en suivant les ordres de supérieurs hiérarchiques, qui eux se connaissent ? À quoi bon des armes et des armées ? Hélas, la pensée humaine est alambiquée, et la bonté des bambins se transforme en une étrange amertume à l’âge adulte. De brillants esprits ont pourtant tenté d’y répondre et de mettre un point final à cette problématique. Einstein, via des questionnements croisés avec Freud, assurait « une pulsion de haine chez les hommes »[1] , précisément une pulsion chez la classe régnante qui, dans une confrontation du droit avec le pouvoir, s’affranchissait de toute règle et de toute morale, pour s’enrichir personnellement. La guerre n’étant, pour lui, qu’un moyen parmi d’autres. Einstein fait ainsi écho à Hobbes et à son proverbial « l’homme est un loup pour l’homme »[2]. Alors, la guerre est-elle une affaire de passion ? Passions individuelles ou raisons d’État ? Ou bien, devons-nous examiner ses racines dans la justice et l’histoire ? Dans l’identité intrinsèque des individus ? Notons, que nous n’avons pas délimité le sens du mot « guerre ». Guerre économique, culturelle, identitaire, informationnelle, technologique, sociale ? Ou alors guerre au sens primaire du terme ? Mais la guerre a mué, guerre conventionnelle, d’haute intensité, nucléaire ? Dans les tranchées ou à distance ? De plus, il semble qu’il existe des signes annonciateurs. En effet, en 2022 le pays humilié et accablé qui cède aux sirènes du despotisme n’est plus l’Allemagne du traité de Versailles, mais la Russie de l’ère post soviétique. Ajoutons à cela des nouvelles puissances qui bousculent les puissances d’antan, les faisant se sentir en péril, ainsi que la guerre apparue à nouveau en Europe. Le piège de Thucydide semble se renfermer[3]. La gifle infligée par Poutine est d’autant plus insupportable en considérant que 2022 s’apprêtait à être la première année sans conflit dans le monde depuis 1975[4] . Les signes prémonitoires semblent toujours être identiques, « l’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète » déclarait Paul Morand[5] . Seuls les acteurs et les décors changent, le scénario, lui, reste identique. Y aura-t-il pour autant un nouveau conflit mondial ? Impossible de le prévoir mais ne le souhaitons pas. Ainsi, reconnaissons que, malheureusement, l’interrogation de départ, naïve et enfantine, devient désuète face à l’absence abyssale de réponse définitive. Dès lors, essayons modestement, en mêlant philosophie et histoire, d’esquisser des éléments de réponse. Via la philosophie qui essaye tant bien que mal de répondre aux interrogations énormes des enfants, celles que les adultes esquivent. Via l’histoire aussi, qui elle étudie des facteurs contingents, des motifs toujours circonstanciés aux conflits et non pas à des causes métahistoriques. Conséquemment, en utilisant en filigrane l’ouvrage Pourquoi la Guerre[6],[7] de Frédéric Gros, tentons de confronter l’étude des causes et les questions d’essence afin de discuter des « raisons » de la guerre.

Alors, après tout, pourquoi la guerre ?

Quelques questionnements philosophiques avant d’étudier les faits. Dans son Léviathan, Hobbes met en exergue trois grandes passions naturelles qui s’imposent à tous les hommes sans loi commune, lorsqu’ils sont dans « l’état de nature » synonyme de « guerre de tous contre tous ». En premier lieu, la cupidité : cette volonté féroce que les hommes ont de vouloir conquérir à l’autre ce dont ils se sont vus privés. Ensuite, la peur : la méfiance sera toujours de la partie dans l’état de nature dans lequel les hommes sont plongés, qui ne présente aucune garantie. Enfin, la gloire : la quête de reconnaissance, de témoignage de sa supériorité. En somme, en résumant, nous avons dans l’état de nature un triple désir : le désir d’obtenir ce qu’à l’autre, le désir de conserver nos possessions et le désir de reconnaissance. Regrettablement, ce désir est fondamental, l’espèce humaine ne pouvant se contenter de satisfaire ses seuls besoins primaires, et insatiable. Ainsi, par sa nature fantasmatique, le désir humain serait à la racine de toutes les guerres. Mais, en appeler aux passions individuelles nous autorise un glissement vers les raisons d’État. En effet, Rousseau déclarait que « la guerre n’est donc point une relation d’homme à homme, mais une relation d’État à État »[8] , les relations interétatiques sont similaires à celles présentes entre les individus au préalable de l’instauration d’un quelconque début d’ordre social. Des guerres puniques romaines aux conflits en RDC et au Libéria, en passant par l’Irak et l’Afghanistan, combien de guerres ont été menées pour des ressources. Que dire de la peur ? Caligula, Hitler, Poutine n’ont-ils pas agité des peurs pour justifier leurs effroyables invasions ? Enfin, d’Alexandre Le Grand à Bonaparte, quel empereur n’a pas construit sa légende sur ses exploits militaires ? Par ailleurs, la guerre est peut-être ce qui donne de la consistance aux États. La guerre fait les États, ne serait-ce que par la limitation des territoires et l’instauration d’un ordre interne. Rousseau affirmait que la guerre permettait à un État de se sentir exister. Divers arguments permettent de définir un État : les murs de son parlement, ses fonctionnaires, sa culture, ses frontières. Par la guerre ces dimensions éparses s’unissent et font bloc, elles s’animent par la même maxime : la défense ou l’affirmation de soi face à l’ennemi. Pourtant, la trinité de Hobbes pourrait ne pas couvrir toutes les racines de la guerre. Dans le déclenchement des conflits la rancœur et la vengeance jouent un rôle capital. À titre d’exemple, Hitler a utilisé le diktat imposé par le traité de Versailles, particulièrement son article 231 tenant l’Allemagne responsable de la guerre et l’humiliant, pour son ascension politique et son désir de vengeance. Dès lors, Frédéric Gros introduit les notions de justice et d’histoire. Premièrement, la justice : une des raisons pour rentrer en guerre est de souffrir d’une injustice, injustice que nous voulons réparer et punir. La guerre serait un moyen normal de régler un différents entre États. Nous rejoignons ainsi les définitions de Trévoux, qui définissait cette dernière par une « querelle entre les États ou des princes souverains, qui ne peut se terminer par la justice »[9] , et de Kant[10] qui lui la définissait par un moyen pour les États de protéger, par le moyen de ses forces propres, son droit face à celui d’un autre État. Mais cette idée de « droit du plus fort » a fini par nous sembler insupportable, d’autant plus que les « progrès » technologiques finissent par causer des massacres informes et les nouveaux moyens de communication de voir des images de guerre, sur son téléphone, à des milliers de kilomètres de l’épicentre. En approfondissant, en reprenant la définition aristotélicienne[11] de la colère, la guerre pourrait aussi être causée par une volonté de venger sa propre histoire, de réécrire son histoire. Pourtant, F. Gros n’affirme pas que la guerre serait consubstantielle au fait même de vivre. Tout au contraire, l’auteur reconnaît que le spectre de la guerre hante l’évolution des sociétés humaines mais elles finissent toujours par provoquer une stupéfaction générale. Elles provoqueraient donc systématiquement un déclic, à la suite d’une tragédie, qui ferait réaliser aux hommes qu’ils sont davantage faits pour l’amour et la paix que pour les charniers. Nous devrions donc voir la guerre comme un alignement de passions mauvaises mais non inhérentes au fonctionnement humain[12]. Cette fois-ci Kant prime sur Hobbes. Le premier dénonce en effet l’ennemi en nous mais rappelle notre dignité dans notre regard : « L’homme est sans doute assez peu saint, mais l’humanité dans sa personne doit être sainte pour lui »[13]. In fine, respectons notre humanité car notre humanité nous oblige. En faisant une légère digression, nous pouvons nous interroger sur la polysémie du mot « guerre ». En effet, au cours de l’histoire le sens du mot a évolué pour couvrir d’autres secteurs et enjeux sociétaux et n’a plus systématiquement la mort physique d’individus comme corollaire. Avec une certaine légèreté, notre société moderne a tendance à qualifier de guerre tout contexte difficile entre individus. Dès lors, nous entendons parer de « guerre générationnelle », de « guerre économique » ou encore de « guerre sociale ». Clausewitz entendait la guerre comme la continuation de la guerre par d’autres moyens [14] . En renversant l’aphorisme, la politique n’est-elle pas la guerre continuée par d’autres moyens ? L’ordre social n’engendre-t-il pas inéluctablement des conflits sociaux ? Évidemment, malgré la présence de violence dans beaucoup de ces révoltes, nous ne pouvons pas considérer ces conflits comme identiques aux théâtres de la mort que sont les champs de bataille. Néanmoins, la plurivocité du mot « guerre » peut nous amener à l’utiliser pour qualifier quelconque type de conflit. Ainsi, notre modernité fera face à un des guerres les plus cruciales : une guerre contre nous-mêmes, contre le vivant. La lutte contre le réchauffement climatique et la sauvegarde des ressources naturelles est cruciale. Sans doute que nous pouvons considérer que le capitalisme sauvage a été une déclaration de guerre totale contre notre environnement, touchant ainsi l’humanité tout entière. Il s’agira ainsi de moduler le capitalisme, d’en changer certains dogmes.

En se recentrant sur le sujet, sur la guerre sanglante. Qu’elle soit inhérente ou non à la nature humaine, la guerre semble tout de même apparaître constamment, alors comment la contrer ?

Premièrement, peut-il y avoir une fin de l’histoire ? L’humanité pourrait-elle arriver à une forme finale de gouvernement, de société, qui se préserverait de toute guerre ? En 1992, Fukuyama défrayait la chronique en avançant l’idée que la démocratie libérale serait le « point final de l’évolution idéologique de l’humanité », la « forme finale de tout gouvernement humain » et donc elle serait la « fin de l’histoire »[15] La fin de la guerre Froide, de l’opposition Est-Ouest, marquerait donc pour lui la victoire triomphante de la démocratie : « Aujourd’hui, le communisme ; hier, la monarchie héréditaire et le fascisme »[16]. Le futur devait donc appartenir à la démocratie. Cette approche n’était pas nouvelle. Dès 1971, Alexandre Kojève, en s’inspirant de la doctrine d’Hegel, introduisait déjà cette notion de fin de l’histoire[17]. En effet, selon Kojève, la théorie hégélienne place la fin de l’histoire du monde en 1806, après que Napoléon fit fuir les troupes Prussiennes à Iéna[18]. Les Marxistes, eux, faisaient coïncider la fin de l’histoire avec l’avènement du… communisme. Ces approches, autant philosophiques que géopolitiques, sont évidemment discutables et ne sauraient être des vérités gravées dans le marbre. Samuel Huntington tira à boulets rouges sur ces théories, estimant que le retour du communisme était toujours possible, ou encore qu’un schisme entre partisans de la démocratie pût arriver et que de nouvelles idéologies pouvaient apparaître[19],[20]. Huntington considérait que dans ce monde nouveau, la source première de tout confit ne sera ni idéologique ni économique, mais culturelle. Certes, les États-Nation resteront les acteurs les plus puissants sur la scène internationale, mais les conflits centraux relèveront de civilisations différentes. Ainsi, la fracture entre civilisations serait la pierre angulaire de tout conflit dans le futur. Ces civilisations se désigneraient et s’identifieraient par leurs religions (islam, christianisme, judaïsme, bouddhisme, etc.) de référence[21] . Depuis le début du XXIème siècle les événements semblent donner une tragique validité à la thèse d’Huntington. L’attentat sur le World Trade Center de New York le 11/09/2001, par Al-Qaïda, a été le point névralgique du terrorisme causant des dégâts de nature stratégique et a enflammé le monde. Désormais, de nos jours, en France nous sommes davantage touchés par un « jihadisme d’atmosphère »[22]. Ce dernier se caractérise par le passage à l’acte de « loups solitaires » qui, gangrenés par une propagande digitale ou par des prêcheurs de haine, passent à l’acte avec des moyens rudimentaires dans des lieux publics. Le chercheur Hugo Micheron met en exergue comment les enclaves urbaines et autres phalanstères, présentes sur le territoire de la République, poussent à la radicalisation des individus[23]. Ainsi, pouvonsnous éviter les guerres en édulcorant les clivages entre les civilisations ? Ces théories d’un occident assiégé par des civilisations externes, prisées par les populistes, sont sans doute à nuancer légèrement sur ce qui concerne la guerre. En effet, l’éclatante particularité de notre époque est l’interdépendance entre les civilisations. Ainsi, nous avons besoin de nos voisins pour construire, fabriquer, se défendre, commercer et s’instruire. L’interdépendance et la globalisation ont rendu caduque la nation d’un état tout puissant, seul au milieu des autres. Par conséquent, dans ces échanges, le melting-pot des civilisations semble évident. Néanmoins, il ne s’agît pas de nier les difficultés que certaines nations ont à contrer certains problèmes existentiels, en particulier le terrorisme. Les civilisations sont mortelles, c’est une certitude et il s’agit de les défendre. Rome, Babylone ou Athènes étaient des beaux noms, France, Italie, ÉtatsUnis ou Occident pourraient l’être aussi. Paul Valéry affirmait que : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles »[24]. Il ne s’agît pas de tomber dans les complots, la haine et le rejet de l’autre, ce sont des passions tristes à la racine des conflits les plus terribles. Les mouvements populistes oublient que le repli sur soi n’a jamais réglé les conflits, encore moins dans notre monde interdépendant. Il s’agira de se défendre tout en gardant notre humanité. À ce stade, la notion de civilisation et la maîtrise des fractures civilisationnelles semble être cruciale pour éluder la guerre. Pourtant, la puissance d’un État ne serait-elle pas l’atout central pour éviter la guerre ? Une tribune du Monde explique qu’éviter la guerre n’est pas une affaire d’idéologie, mais de puissance et qu’uniquement les États-Unis disposent d’un tel atout[25]. À l’aune des relations internationales depuis le début du XXIème siècle, nous semblons suivre une pente qui mène droit vers une nouvelle guerre mondiale. Les 3 plus grandes crises de ce premier quart de siècle (les attentats du 11/09, la crise des subprimes et la pandémie de Covid-19) ont été amorcées par les trois plus grandes forces actives de notre temps : le terrorisme islamique, les États-Unis et la Chine. Depuis 2022 et 2023, les conflits en Ukraine et à Gaza semblent être des avant-goûts amers et terribles de ce que sera l’affrontement entre grandes puissances. Au sortir de la chute du mur de Berlin en 1991, les États-Unis sont définitivement les maîtres du jeu mondial. Alors, il s’agissait de réorganiser le jeu international, d’introduire la Russie dans le jeu international, de négocier une sécurité paneuropéenne. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, Roosevelt pousse pour la création de l’ONU, les Américains aident à la démocratisation de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon. À la suite de la chute du bloc soviétique, les Américains ont mené une politique totalement aux antipodes : rejet du multilatéralisme, militarisation des relations, effacement des négociations et la diplomatie au nom des intérêts nationaux. Alors Washington a tout fait pour humilier et éloigner la Russie, a donné l’ordre d’intervenir militairement en Afghanistan et en Irak et a soutenu la politique d’annexion d’Israël pourtant contraire aux accords d’Oslo[26]. Ainsi, les impasses militaires ont remis au goût du jour des clivages surannés : Est-Ouest, Nord-Sud. La Chine a remplacé l’URSS, mais la Russie n’a pas l’intention de se faire oublier. Les BRICS, quant à eux, sont infiniment mieux structurés que le mouvement des non-alignés[27]. Dans tout cela, l’Union Européenne respecte sa raison d’être : la paix et la réconciliation. Ainsi, l’Union Européenne s’est désarmée, pourtant elle n’est que très peu écoutée et fait office d’herbivore dans un monde de carnivores. Structurellement incapable d’avoir une vision unique, les membres de l’UE se dispersent lors des résolutions de vote à l’ONU. Pourtant, cet alignement est crucial dès lors que la guerre est à ses portes et que la Chine et autres BRICS ne portent pas la pacification des relations internationales et sont dans la confrontation avec l’Occident anglo-saxon. Dès lors, comme l’affirme Serge Sur dans sa tribune, les États-Unis ont certes échoué dans leur rôle de gendarmes du monde mais, les portes de la guerre n’étant pas encore ouvertes, ils sont les gardiens des portes de la paix [28] . Mais pour combien de temps encore ? Nous pouvons nous interroger sur l’apparente incapacité des États-Unis, et des puissances occidentales, à trouver une résolution dans le conflit au sein de la bande de Gaza. Netanyahou considérant comme justifié le massacre terrible de milliers de civils pour tuer une poignée de terroristes[29]. La puissance semble donc être également un point névralgique pour éviter la guerre. Être puissant permettrait de dissuader l’ennemi en suivant la maxime « si tu veux la paix, prépare la guerre »[30] comme les conclusions du rapport parlementaire du 17/02/2022[31] le montrent, en prévenant le pays de constituer son stock de munitions afin de se préparer à un conflit à haute intensité[32]. Enfin, il existe un autre adage : « le bon Général a gagné la bataille avant de l’engager »[33] . Il s’agirait ici de gagner une guerre certes, mais sans véritablement s’affronter. Nous pouvons nous demander, si dans notre ère du numérique, des réseaux sociaux et de l’instant présent, cette méthode ne prendra pas encore plus de poids. « Éviter » la guerre sanglante sur le terrain en convaincant l’ennemi de ne pas la combattre, et par la même occasion prendre le dessus sur l’adversaire sans effusions de sang. De plus, l’avènement des réseaux sociaux donne une tout autre dimension à cette guerre de l’information, cette capacité à convaincre le peuple ennemi. TikTok en est un des exemples saillants. Soupçonné d’être un vecteur de l’espionnage chinois, le réseau social a en tout cas des effets avérés sur les capacités cognitives : troubles de l’attention, dépendance, des difficultés à s’endormir[34]. Ces réseaux sociaux sont au cœur de la bataille informationnelle et sont le corollaire de la société de l’instant et de la politique spectacle. Demandons-nous comment les partis politiques extrémistes arrivent à embrigader une partie de leur électorat, souvent jeune, grâce à des montages en tout genre sur les réseaux sociaux, souvent considérablement éloignés de la vérité[35]. Des véritables flots d’informations arrivent à nous sur X et TikTok, s’imposant à nous, sans parler des responsables politiques qui se jettent à l’eau en premiers pour surfer sur l’information[36]. Cette confusion profite aux acteurs de la désinformation. Ainsi, on fait croire que les armes fournies à l’Ukraine ont atterri dans les mains du Hamas, on façonne de toutes pièces des faux reportages de la BBC[37] ou bien on nous fait croire n’importe quoi sur la femme du Président de la République[38]. Les réseaux sociaux, les émissions TV sont devenues des véritables vecteurs, dans le meilleur des cas, d’idées partisanes, dans le pire des cas, des véritables vecteurs de haine. L’Histoire jugera sans aucun doute durement ceux qui auront joué avec la haine. D’une part, Elon Musk, parmi d’autres, lui qui a supprimé tout service de modération de X, porte une énorme part de responsabilité puisque le réseau social fait la part belle à la désinformation et ne censure pas les contenus : il est aujourd’hui possible de voir des images de corps calcinés ou d’enfants décapités à Rafah sur l’ex-Twitter. D’autre part, les responsables politiques, de tout bord, qui décident soit de traiter un ministre d’assassin[39] et de « bordéliser »[40] totalement le débat public, soit de proférer des insultes racistes[41] en plein hémicycle et de fustiger un imaginaire « coup d’État de droit » lorsque le Conseil Constitutionnel censure une loi[42]. Cette volonté d’avoir la parole la plus « cash » a d’énormes conséquences alors que l’ingérence du Kremlin dans l’espace informationnel s’amplifie[43]. Dès lors, pour éviter la guerre il faudra sans doute apaiser l’espace informationnel.

Conclusion

Ainsi, l’objectif de cet article de vulgarisation n’était pas d’expliquer comment prévenir la guerre, dont la réponse reste d’ailleurs insoluble. Il s’agit de montrer qu’avant tout, et en toutes circonstances, il faut faire preuve d’humanité, de prendre du recul et de ne pas tomber dans la haine de l’autre. Évidemment plus simple à dire qu’à faire au vu des tensions géopolitiques actuelles et des montées du populisme. In fine, il s’agira de défendre les idéaux mêmes de l’humanité : « Il me convient d’être avec les peuples qui meurent, je vous plains d’être avec les rois qui tuent »[44].

References[+]


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